Voici une lettre que j'avais écrite l'année dernière pour un jeu.
Monsieur le directeur,
Je suis Mme Marie-Noëlie NOEL domiciliée au Pôle Nord, sur le territoire de Nunavuk. Je vous écris pour solliciter votre soutien dans le litige qui m’oppose à M. Pierre NOEL, mon époux. Cela fait 120 ans que je travaille pour mon époux sans qu’il ne m’ait jamais fait la moindre fiche de salaire. Or, aujourd’hui je souhaite quitter mon employeur d’époux et prendre ma retraite mais M. Pierre NOEL refuse de me faire le moindre papier pour déclarer ces 120 ans de travail. Je compte donc sur vous pour faire entendre raison à cet esclavagiste.
J’en profite aussi pour attirer votre attention sur le manque de reconnaissance global dont je souffre depuis 120 ans. En effet, peu de gens croient que j’existe et quand on parle de « la mère Noël » c’est davantage pour se moquer de moi que pour me louer. Quand on pense à moi, c’est toujours comme l’ombre de mon mari et pas comme à une personne indépendante. Une autre fausse idée répandue, le fait que nous ne travaillerions, mon époux et moi qu’un jour par an, car les humains pensent en fonction de leur espace-temps. Depuis le temps, quelqu’un aurait pu leur expliquer que, vivant dans un autre espace temps, deux jours chez eux (le 24 et le 25 décembre) équivaut à 365 jours chez nous. Ceci expliquant que nous avons le temps de fabriquer les jouets et de les distribuer. Depuis 120 ans c’est moi qui suis la responsable de notre fabrique de jouets où je supervise le travail des elfes pendant que M. NOEL est parti aux quatre coins du monde pour trouver les matériaux nécessaires à la fabrication des jouets, ce qui l’occupe une moitié de l’année, l’autre moitié étant occupée par la distribution des paquets, dans les maisons du monde occidental. Les déplacements perpétuels de mon époux expliquent d’ailleurs que notre couple n’ait pas tenu et que j’en sois venue à demander le divorce. Cela fait 120 ans que je vis avec un courant d’air, je suis toujours toute seule, ce n’est pas vivable.
J’attends votre soutien afin d’obtenir une bonne retraite. Je suis encore jeune puisque je n’ai que 140 ans et j’ai de nombreux projets de voyages, moi qui n’ais jamais quitté Nunavuk. Depuis le temps que M. NOEL me raconte à quoi ressemble la planète, j’ai bien envie de m’en rendre compte par moi même. Je vous prierai de m’envoyer désormais votre courrier à l’adresse suivante :
Maison du Père Fouettard, Pôle Sud, terre Adélie.
J’en profite pour vous annoncer que, dés que mon divorce sera prononcé, je m’appellerai Mme Fouettard car je vais épouser Hadès Fouettard en seconde noces. Cela fait plusieurs années que je connais ce Monsieur qui me rend souvent visite en l’absence de mon époux. En effet, depuis que les enfants occidentaux sont devenus des petits rois gâtés-pourris, Hadès a beaucoup moins de travail. Nous vivons malheureusement à une époque où les parents courageux ne peuvent même plus fouetter leur enfant ou l’enfermer quelques heures dans un placard sombre sans se retrouver en prison. Hadès s’ennuyait, je me sentais seule, nous nous sommes réconfortés l’un l’autre.
Je compte sur vous, Monsieur le Directeur, pour soutenir ma demande de retraite et accélérer le plus possible le premier versement car nous projetons de partir en voyage de noce en Inde, un merveilleux pays où on peut impunément fouetter les enfants sans problème.
Je vous prie de croire, Monsieur le Directeur, à l’assurance de ma considération.
Marie-Noëlie NOEL